Les ouvrages et les logiciels, première partie.
En 2003, j'avais suivi une formation à la pomologie, à Glay (25), au cours de laquelle Claude Scribe présentait « La Littérature Pomologique ». Le support de sa présentation commençait ainsi : « Je distingue 3 grands types de livres : les grandes Pomologies illustrées, les livres à tendance scientifique, les livres qui décrivent de façon très, très locale les fruits d'une petite région ». L'intéressant choix de cette présentation correspond à l'ensemble des besoins du pomologue, à savoir :
- une vue de l'évolution progressive de la connaissance des grands pomologues au cours des siècles,
-des documents scientifiques contenant des descriptions minutieuses et des méthodes de détermination,
-des ouvrages relatant du savoir-faire, des coutumes et du patrimoine local.
Le pomologue débutant voudra avoir une liste d'ouvrages facilement abordables, à portée de la main. Une telle liste figure dans numéro 128 du bulletin. Cependant les fiches Croqueurs, bien adaptées à nos fruits locaux, sont susceptibles de répondre mieux à votre attente tandis que les ouvrages conseillés traitent généralement de variétés nationales, plus rarement de variétés régionales ou locales. Enfin, je suis convaincu qu'il reste parmi les archives, municipales, départementales, une multitude d'informations diverses susceptibles de compléter notre travail de recherche en pomologie.
Aujourd'hui, aux ouvrages papiers s'ajoutent des logiciels informatiques ainsi que la masse d'information qu'on peut obtenir via Internet et ses différents moteurs de recherche.
Les Fondateurs de la pomologie descriptive
De Jehan Bauhin (1541-1612) aux auteurs du XXIe siècle, nombreux sont les pomologues à avoir voulu partager leur savoir. Les noms nous sont familiers, Noisette, Leroy, Baltet.Toute cette littérature est descriptive. Tout d'abord l'œuvre de médecins-botanistes, soucieux déjà de phytothérapie ! Elle évolue avec le développement des sciences naturelles, en devenant de plus en plus précise et étendue dans la description. Les ouvrages contiennent de nombreuses illustrations botaniques. Cet art, « puisant ses sources dans les herbiers de la Renaissance où des artistes anonymes ont dessiné puis gravé les planches de bois destinées à accompagner les écrits des médecins-botanistes de l'époque » se développera au XIXe siècle en même temps que le développement des sciences naturelles. Apparaissent en ce siècle, des ouvres majeures, encore largement utilisées.
On peut aussi citer, pour mémoire, l'abondante littérature pomologique illustrée de langue anglaise ou allemande (Votteler) qui peut aider parfois à la détermination.
Les scientifiques de la détermination
Le pomologue a aussi besoin de littérature d'aide à la détermination. La démarche, comme pour les diverses flores, est dichotomique, la difficulté étant ici de trouver les critères stables qui permettent de choisir le bon classement. De nombreux choix de critères discriminants ont vu le jour, ces choix étant probablement liés à l'ensemble de fruits qu'avait à étudier l'auteur et à l'objectif de cette étude.
Ces systèmes se rapprochent plutôt de classifications. Un faible nombre de critères de classification ne peut permettre que de traiter un nombre peu important de variétés.
Louis Chasset semble être le premier à proposer un système dichotomique** en deux étapes pour les fruits de table. Il publia en 1928 un travail important qui portait sur la détermination de 270 variétés de poires :
-la première étape consiste à déterminer la silhouette. Elle dépend du rapport hauteur/largeur et pour chaque possibilité de ce rapport, de la forme du fruit;
- la deuxième étape consiste pour chacune des silhouettes à rechercher successivement :
. la période de maturité,
. la couleur de l'épiderme (au moment de la récolte),
. la classification du pédoncule (qui prend beaucoup d'importance !) : d'abord il faut savoir s'il est long, moyen ou court, et pour chaque cas s'il est charnu ou pas à la base et enfin s'il est droit oblique ou arqué.
. et enfin, on appréciera la qualité de la chair.
Cette succession permet de réaliser un classement minutieux auquel on peut ajouter autant de nouvelles découvertes. Ce classement peut donc apparaître comme très utile, mais attention aux appréciations des critères ! Pour que ce système soit valable, chaque critère devra être observé sur un nombre important de sujets avant d'être validé.
Guignes blanches
Au système Louis Chasset suit celui de Joseph Vercier, publié une première fois en 1934 et réactualisé plusieurs fois jusqu'en 1948. Il s'agit d'une classification entièrement chiffrée par 7 caractères apparents ou dominants, s'appliquant aux Pommes et aux Poires (tome 1) puis Cerises et Fraises (tome 2), Abricots, Pêches, Prunes, Châtaignes, Noix (tome3).
Pour les pommes, le système aborde dans l'ordre les critères suivants : la période de maturité, le rapport hauteur/largeur, la symétrie et le contour, la profondeur des cuvettes, la couleur, la longueur du pédoncule et la taille de l'œil, la couleur de la chair.
Toujours sur la base de 7 critères, il propose pour les cerises, la clé suivante : période de maturité, type de saveur (de doux à aigre), forme du fruit, couleur, forme de la cuvette et du point pistillaire, longueur du pédicelle et taille du noyau, consistance de la chair et coloration du jus.
Les caractères remarquables ou discriminants non repérés par des codes font l'objet de notes descriptives complémentaires pour chaque fruit.
Le plus récent des systèmes de détermination est celui de René Marlaud (1990), pour les pommes et les poires. La méthode, comme pour Chasset, se fait en deux étapes :
- étude de 6 caractères apparents communs chiffrés. On obtient une clé qui correspond à un ensemble de variétés ne se différenciant que par quelques nuances particulières ou discriminantes.
- étude de ces particularités pour arriver à la variété. (Si elle a été répertoriée !)
Jeu de clés :
Tous les systèmes codés comme ceux de J. Vercier et de R. Marlaud proposent de compléter la clé par des variantes appropriées à plusieurs possibilités d'appréciation d'un critère. On trouve par exemple pour la Calville de Dantzig (R. Marlaud) la clé 246934 et la variante 245934, cela signifie que l'aspect de l'œil est tantôt mi-clos (6), tantôt fermé (5). A l'inverse, à une clé peut correspondre une ou plusieurs variétés. Dans le cas de la clé 246934 et de sa variante 245934, on trouve 2 variétés : la Calville de Dantzig et la Calville rouge d'hiver. Ce sont les caractères particuliers qui feront la différence, en l'occurrence la période de maturité est discriminante. Ces considérations devront être prises en compte pour développer les systèmes de détermination informatisés.
Calville rouge d'hiver | Calville de Dantzig dite "De paradis" |
Les témoins du patrimoine local :
Il existe dans toutes les régions des livres ou documents relatant des coutumes locales relatives à l'arboriculture fruitière et aux usages des variétés. Ces témoignages de notre patrimoine sont très importants, parce qu'ils peuvent donner des pistes dans la recherche d'une variété en voie de disparition et aussi en suggérant des possibilités de valorisation des variétés anciennement cultivées. A titre d'exemple : « Les Pommes à cidre de la Thiérache et de l'Aisne » par E. Leroux, « La culture du Pommier en Brie » par C.E. Riedel, .
Quels ouvrages pour un pomologue débutant ?
- En tout premier lieu les réalisations de notre association, parce qu'elles sont récentes et bien adaptées aux variétés locales : les recueils des planches de fruits en couleurs (964 publiées à ce jour 2020)*, les Cahiers Régionaux « Le Verger des Terroirs de France »*, les Carnets du Croqueur*.
- D'autres ouvrages régionaux, qu'ils soient publiés ou non par les Associations, comme « Le patrimoine fruitier de Franche-Comté »*, « Pommes et poires du Perche »*, « Les variétés fruitières du Pays de Brie »*, « Pommes d'Alsace, des Vosges et du Territoire de Belfort» de Ph. Girardin et B. Ferry.
- Et bien sûr l'indispensable brochure technique « Eléments d'analyse pomologique des Croqueurs »* !
Génération informatique
Plusieurs tentatives de logiciels informatiques ont été réalisées par des Croqueurs, isolément.
Certains, comme celui développé par Pierre Huot-Marchand, sont très documentés. Il propose un système basé sur la méthode Marlaud pour le volet recherche-détermination. Et pour chaque variété il associe à la description succincte liée aux caractères communs et aux caractères particuliers, un maximum d'information sous forme de textes, photos et référencements aux ouvrages qui s'y rapportent.
Dans une approche un peu différente (on peut faire le choix de l'ordre d'importance des critères), Jean Louis Choisel propose une méthode informatisée simple : par discriminations successives on obtient une liste de fruits. On peut à tout moment afficher la documentation relative à une variété de cette liste. Cet outil est proposé à la vente par l'auteur lui-même.
Il y a eu aussi, dans les années 90, le logiciel « pomolo » de L. Vial dont certains se servent encore.
Internet et les moteurs de recherches permettent de découvrir quantité de sources intéressantes. Seul bémol, lorsqu'on aura éliminé les produits à vendre, il restera à s'assurer de la validité de l'information !
Pour résumer
Il existe de très nombreux ouvrages que le pomologue amateur peut se procurer. Une liste très complète a été réalisée par Henri Fourey de l'Association des Croqueurs d'Île de France, qui propose une bibliographie de plus de 2000 ouvrages référencés.
La pomologie, qui se limite à la description des fruits, a un corollaire indispensable dans les ouvrages relatifs à l'arboriculture fruitière, modes de culture, tailles, greffes qui sont aussi à consulter. La pomologie a un attrait exceptionnel : il reste un immense champ encore à découvrir ! En cherchant bien, tout près de chez vous, existent, très certainement encore, des variétés anciennes devenues rares, à sauver, décrire, promouvoir.
Bonnes lectures et bonnes découvertes.
Ces dernières années ( 2012 ) les analyses génétiques sont venues complèter la caractéristique exacte des fruits, principalement les pommes et les poires. Un projet pour les prunus devrait voir le jour en 2025.
Jetez un oeil sur le chapitre Corepom.
* Ouvrages en vente à la librairie des Croqueurs, voir notre boutique.
** Dichotomique : en botanique, qui se divise par bifurcation (Petit Robert). Par exemple, classification d'un ensemble de fruits en trois groupes : les petits, les moyens et les gros.
Michel Bonfante, photos Georges Gueutal (sauf mention contraire)