Eléments descriptifs : les fruits à pépins
Les fruits à pépins.
Il y a quelques jours, je rangeais des pommes à l'issue d'une exposition. Quelqu'un s'approche de moi avec un fruit et me demande de quelle variété il s'agit. Fruit semblant plus large que haut, assez gros, peau grise et rugueuse sur l'ensemble, pédoncule assez fort : je réponds du tac au tac, c'est peut être une « reinette grise », en ajoutant prudemment de « quelque part ». C'était une poire, « Passe Crassane »! Je suis reparti trier mes pommes en cachant discrètement ma honte ! La bévue montre bien la prudence que l'on doit respecter en observant un fruit (et avant de se prononcer !).
Décrire des variétés fruitières commence par faire apparaître les éléments réellement déterminants. L'ennui vient que très souvent les différences d'une variété à l'autre s'apparentent à des nuances à peine perceptibles et qui pourraient être attribuées à un phénomène quelconque. (C'est la raison pour laquelle on demande toujours de nous présenter plusieurs exemplaires, car un seul fruit peut se révéler extrêmement piègeant). Par chance, il se trouve que l'on ne peut guère confondre un pépin et un noyau! (Et même là il y a quelque fois des exceptions, dans le cas des nèfles ou des bibasses les pépins sont communément appelés noyaux). La mission est difficile mais pas insurmontable.
En quelles occasions le « Croqueur » peut-il avoir à décrire une variété? Déjà quand il veut essayer de la retrouver dans la documentation existante. Ensuite lorsqu'il découvre un fruit et veut le mettre en fiche. Dans les deux cas il est obligé de respecter un vocabulaire précis, relatif à la pomologie. Vous trouverez ci-dessous les mots les plus utilisés.
La description d'un fruit, telle que nous l'abordons chez les « Croqueurs », est basée uniquement sur l'observation. L'usage d'outils ou de méthodes scientifiques est rarement abordable, voire exclu comme pour les tests ADN ! Sauf évidemment les appareils photo (très important !).
Pour finir, l'observation porte sur l'apparence (critères externes, critères internes), l'usage, les conditions de développement (arbre, terroir, floraison, etc.) et les us et coutumes. Ce sont les points développés ci-après.
Le vocabulaire:
Forme: Il peut s'agir soit de la silhouette de la coupe méridienne (10 pour les pommes, plus de 20 pour les poires) ou bien de forme du pourtour. On utilisera les termes de « régulier », « irrégulier », « dissymétrique »,
Œil: Il s'agit du vestige de la fleur (sépales). Situé au centre d'une cuvette, il apparaît clos, mi-clos ou ouvert
Pédoncule, Pédicelle : Queue du fruit.
Cuvette ou bassin: La partie inférieure du fruit plus ou moins large et profonde (pomme ou poire) contenant l'oeil est appelée cuvette de l'œil ou cuvette oculaire. La partie supérieure, plus marquée pour les pommes, contenant le pédoncule est appelée cuvette du pédoncule ou cuvette pédonculaire.
Couronne: partie supérieure de la cuvette. La couronne peut être plus ou moins bosselée. Lorsque le nombre de bosses est égal à 5 elle est dite « calvillée ». Epiderme: Partie visible de la peau, l'épiderme peut présenter plusieurs couleurs. Une couleur de fond généralement verte et une ou plusieurs couleurs secondaires
Coupe méridienne: voir exemple ci-contre. Permet de faire apparaître les pépins et le profil des cavités les contenants : les loges.
Coupe équatoriale: permets de faire apparaître la forme des loges et leurs dispositions
Loge: Cavité contenant un ou plusieurs pépins. Il y a toujours 5 loges dans les pommes et les poires, qui correspondent aux 5 styles du pistil de la fleur. Ces 5 loges sont réparties autour d'une cavité centrale.
Roussissure ou russeting (ex-Liège): « Cellules mortes imprégnées d'une sorte de subérine », la subérine étant une matière imperméable provenant d'une transformation de la cellulose. La roussissure peut être présente sur tout ou partie du fruit. Le plus souvent elle n'est présente que dans les cuvettes. Cette roussissure peut être récurrente à une variété, elle est souvent provoquée par une attaque d'oïdium à laquelle le fruit a résisté en se desquamant.
Lenticelles: Sortes de pores de la peau, ce sont de petites taches de couleurs différentes de celle de la peau du fruit. Elles sont plus ou moins nombreuses et peuvent même être proéminentes. Leur couleur peut être un indice de maturité
Maturité: Il faut distinguer là, la maturité de cueillette et la maturité gustative ou de consommation.
L'apparence - Critères externes.
Pour tous les jugements qui vont suivre, sur les points à observer, forme, couleur, dimension, etc., il convient de se baser sur un nombre important d'exemplaires de la variété. Il faut également tenir compte des nuances qu'on peut percevoir sur le même arbre, par exemple une différence de couleur liée à l'exposition ou à l'ensoleillement.
La forme : on distingue environ dix formes de référence pour les pommes, que l'on peut classer entre : plus hautes que larges et vice versa. Gare à celles pour lesquelles il y a égalité! On pourra s'aider d'un gabarit. A l'il il est très facile de se tromper. Certaines variétés ont des formes franchement marquées, Api étoilée, Pigeonnets, Arboisine. Les poires prennent des formes plus nombreuses. Environ une vingtaine de formes standards.
Pourtour : on le définit régulier ou irrégulier à partir d'une coupe équatoriale.
La dimension: petit, moyen, gros, attention aux intermédiaires ! A noter que ce critère est très fluctuant en fonction du type de support, franc, porte-greffe nanifiant, de la forme de l'arbre et de la technique de taille (espalier, palmette, gobelet). Autre exemple : le fait d'avoir éclairci après la nouaison permettra d'obtenir des fruits plus gros. L'appréciation devra être faite à partir d'une collection d'au moins une dizaine de fruits.
La couleur : les variantes de couleurs pour les poires sont moins nombreuses, par contre la présence des lenticelles a une grande importance. Leur grand nombre donne une dominante dans la coloration et leur relief accentue la rugosité de la peau.. Pour les pommes il faut déjà distinguer la couleur de fond (celle qui apparaît avant l'ensoleillement de la peau) des couleurs secondaires (celles qui apparaissent « par-dessus ») et qui recouvrent tout ou partie du fruit par des stries ou des taches régulières. On parlera alors de couleur striée ou lavée. Une variété peut combiner les deux effets.
Les cuvettes : oculaire ou pédonculaire, elles peuvent être plus ou moins profondes, plus ou moins larges. Leur couronne plus ou moins plissée. Ce critère est assez fiable à condition de se référer à des fruits sains. La présence du carpocapse ne facilite pas l'observation!
L'œil : Il est parfois difficile d'estimer si l'il est fermé, mi-clos ou ouvert. Sauf s'il présente une caractéristique vraiment exceptionnelle, ce critère qui évolue un peu au fur et à mesure de la maturité, est très souvent sujet à une estimation erronée.
Pédoncule : On le dit court lorsqu'il ne dépasse pas la cuvette pédonculaire, moyen lorsqu'il la dépasse à peine (1à 2cm) et, au-delà il est dit long. Pour les pommes il est plutôt trapu ou massué lorsqu'il est court. Au contraire il est généralement fin lorsqu'il est long.
L'apparence - Critères internes.
Tous les critères qui vont suivre, dépendent de l'état de maturité du fruit. Cependant il est peut-être intéressant de noter les états au fur et à mesure du mûrissement. On déterminera ainsi la période de la maturité de cueillette, puis de la maturité de consommation.
Les pépins : on notera leur forme, leur nombre et leur couleur.
Les loges : elles forment une rosace autour de la cavité centrale assez caractéristique,
La chair : plusieurs caractéristiques par rapport à la chair. La couleur et la texture. La couleur est assez souvent déterminante : on trouve des fruits à la chair très blanche, jaunâtre, d'autres veinés de rose sur leur pourtour et même à l'intérieur. Pour la texture il faut bien s'assurer de la période de maturité pour se prononcer. On pourra noter qu'un fruit devient rapidement farineux, sa chair tendre, fine granuleuse,
. Enfin vient le goût, et là, c'est délicat ! Plus ou moins parfumé, sucré, acide, âpre, astringent, et tous les intermédiaires ! Donc il faut les goûter ! On utilise quand même parfois un réfractomètre pour tester la qualité en sucre d'un jus, mais surtout le « test de Lugol » pour mesurer l'amidon ou la « liqueur de Fehling » pour doser le glucose et donc estimer l'état de maturité du fruit.
L'usage.
On peut dire simplement d'un fruit qu'il est précoce ou tardif, à consommer au couteau ou en cuisine. On complétera peut-être en combinant tous ces éléments selon les usages. Par exemple la reinette blanche ou Tiuffat en Franche Comté est bonne au couteau peu après la maturité de cueillette, mais il est préférable de la consommer en compote un peu plus tard sachant qu'elle se conserve jusqu'en février/mars. La notion de conservation est souvent déterminante, en particulier deux variétés ayant des apparences externes très proches peuvent être ainsi, différenciées.
Les conditions de développement
Nous l'avons déjà abordé, le type de porte-greffe peut modifier la taille et la texture du fruit. Il sera bon de noter sur quel support a été cueilli l'échantillon. Plus importantes sont les références au terroir, altitude, climat, qualité des sols, etc.. Ces conditions peuvent être le garant du bon développement des arbres et, partant, de la résistance aux maladies. La période de floraison (précoce ou tardive) est déterminante pour les plus extrêmes. On devra en tenir compte en cas de déplacement géographique de la variété (une variété bien implantée en altitude réussit rarement bien en plaine). La forme et/ou la couleur des bourgeons sont généralement peu significatives, à quelques exceptions près. Ce qui peut être déterminant, c'est le type végétatif (voir Lespinasse).
Les us et les coutumes
Synonymes, appellations locales, anecdotes, recettes de cuisines, usages régionaux, importance dans le folklore doivent être consignés. Ce sont ces notions là qui viennent illustrer et enrichir le travail de description. Tout cela contribuant à la conservation de la variété et à la sauvegarde de notre patrimoine.
Pour Résumer
Dans cet article il n'était pas possible (par manque de place) de détailler tous les critères servant à décrire les fruits à pépins. De très bons ouvrages (dont la brochure technique des Croqueurs ! « Eléments d'Analyse Pomologique ») pourrons vous apporter toutes les informations et précisions nécessaires. Les grands principes (observation minutieuse à partir d'un échantillon représentatif, mise en valeur des éléments les plus déterminants, consignation de tous les détails significatifs) sont applicables aux fruits à noyau. Cependant ces fruits ne se développent pas de la même manière, c'est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.
Michel Bonfante avec l'aide de Daniel Etalon et Georges Gueutal.